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Association Territoire d'avenir Ourcq-Marne-Multien
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8 février 2012

Hydrocarbures de schiste : faiblesse de la loi Jacob et questions sans réponses

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Voici mon intervention lors de ma question orale avec débat n°0011A au Sénat le 7 février, sur le devenir des permis exclusifs de recherche d'hydrocarbures conventionnels et non conventionnels après le vote de la loi n° 2011-835 du 13 juillet 2011.

La question de l’exploration et de l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique est toujours d’actualité (au cas où certains l’auraient oublié). C'est cette actualité qui motive l'interpellation du gouvernement par le groupe socialiste autour de trois sujets :

  1. La loi Jacob n'a rien réglé.
  2. Aucune suite n'a été donnée au rapport Gossement quant à l'intervention démocratique.
  3. Les partisans de l'exploitation des gaz de schiste reprennent l'offensive.
I. La loi Jacob n’a rien réglé sur le fond.

La loi du 13 juillet 2011 était Censée calmer la colère des élus locaux et des citoyens ayant découvert que le gouvernement avait octroyé des permis exclusifs de recherches de gaz de schiste dans leur territoire, sans aucune concertation, elle devait offrir un cadre juridique suffisamment solide pour que le doute ne soit plus permis.

Depuis le vote de la loi Jacob, trois permis exclusifs de recherche ont été annulés. L’octroi de ces permis, Nantes, Villeneuve-de-Berg et Montélimar avait provoqué une vive indignation et la mobilisation des élus et citoyens des territoires qu’ils recouvraient.

Pour autant, ces trois annulations font perdurer le doute. D’abord seuls trois permis, sur les 64 déposés, ont été annulés. Ensuite l’un des trois permis abrogés, concédé au groupe Total, ne mentionnait pas le recours à la technique interdite. Enfin, les explications de la ministre ne sont pas convaincantes.

Elle a justifié l’annulation du permis accordé à Total par le manque de crédibilité du rapport rendu par le groupe pétrolier, dans le cadre de la loi Jacob. Elle a évoqué l'utilisation de la fracturation hydraulique. Technique que le groupe pétrolier nie utiliser, indiquant respecter la loi et s’engageant à ne procéder qu’à des carottages verticaux pour l’exploration. Il vient d’ailleurs de déposer un recours contentieux auprès du tribunal administratif de Paris demandant l’annulation de l’abrogation de son permis.

Dans le même temps, le gouvernement justifie le maintien des 61 autres permis par le fait « que les détenteurs n’ont pas prévu de rechercher des gaz et huiles de schiste ou y ont renoncé pour se limiter à des gisements conventionnels. Tous ont pris l’engagement formel de ne pas recourir à la fracturation hydraulique ». Cette césure entre les différents détenteurs de permis est assez incompréhensible. Tous les rapports sont écrits et disponibles sur le site du ministère. Certains disent ne pas recourir à la fracturation hydraulique. Comment alors faire le tri entre les groupes en qui il faudrait avoir confiance et ceux qui ne le mériteraient pas ? Pourquoi ne pas abroger les 61 autres permis ?

Un dernier élément vient s'ajouter au doute sur l’efficacité de cette loi. Il s’agit de l’achat récent de 6 parcelles par la société Vermillon, dont 5 dans le bassin parisien. Pourquoi un tel investissement alors qu’une loi est censée empêcher la fracturation hydraulique et que nous ne connaissons pas plus en 2012 qu’en 2010 ou 2011 de technique alternative ?

Les annulations surtout, nous interrogent plus qu'elles ne nous rassurent. Notre méfiance est d’autant plus justifiée que l’on sait maintenant que le gouvernement a, dans un laps de temps assez court, tenu des propos très différents sur la capacité à identifier les forages conventionnels et les non conventionnels. Durant les débats relatifs à la loi Jacob, cela était impossible. Quelques mois plus tard, dans le cadre de l'abrogation de 3 permis sur 64, cela est devenu possible. Les techniques d'analyse ont-elles évolué ? S'agit-il d'une volonté du gouvernement ?

Cette distinction est au cœur de la proposition de loi du groupe socialiste. Car la question n’est pas de savoir quelle technique doit être interdite ou autorisée mais bien de décider d’exploiter ou non les huiles et gaz de schistes. Interdire une technique, comme vous l’avez fait, c’est potentiellement en accepter une autre. Serait-elle moins polluante ? Serait-elle l’objet d’une plus grande concertation avec les élus et les citoyens ? Nous n'avons pas la moindre réponse. Rien ne sera réglé tant que l’inscription dans le Code Minier de la distinction entre hydrocarbures conventionnels et non conventionnels ne sera pas à l'ordre du jour. C'est la seule façon de garantir la sécurité juridique.

La Commission nationale d’orientation, de suivi et d’évaluation des techniques d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux, créée par la loi Jacob, pose également cette question de la sécurité juridique.

Lorsqu'elle sera mise en place, ce qui semble compliqué au regard des échos qui nous parviennent du Conseil d'état, elle permettra de servir de caution à des expérimentations. Et notamment certaines testant la technique de la fracturation hydraulique, dont les risques sont pourtant connus, ou toute autre technique alternative. Elle ouvrirait donc potentiellement la voie à l’exploration et l’exploitation à terme des hydrocarbures de roche-mère. L'entrain avec lequel l'UFIP souhaite voir cette commission installée ne peut que renforcer nos inquiétudes. J'y reviendrai.

Comment cette commission fera-t-elle la distinction entre exploration et exploitation ?

La réforme du code minier est donc essentielle pour éviter la moindre dérive et assurer une sécurité juridique qui, à ce jour, n'est pas assurée.

Mais pourrons-nous nous en remettre au bon vouloir du gouvernement qui n'est pas avare de revirement. Ainsi la France avait toujours été favorable à la directive européenne sur la qualité des carburants, désignant les sables bitumineux comme la forme de pétrole la plus néfaste pour le climat. Elle se serait exprimée le 2 décembre dernier, lors de la réunion des experts européens, contre la définition d’une valeur d’émissions de gaz à effet de serre spécifique aux sables bitumineux. Si cette position était avérée, il s’agirait bien là d’un revirement !

Nous devons agir afin d'analyser toutes les conséquences de l’exploitation des hydrocarbures non-conventionnels. Nous le savons, les logiques économiques et les logiques environnementales n’obéissent pas souvent aux mêmes règles de temporalité. Aux États-Unis, où 50.000 puits ont déjà été forés, l’exploitation d’hydrocarbures non-conventionnels bouleverse l’équilibre du marché et les stratégies des entreprises. Les enjeux économiques sont donc importants et la tentation de développer cette production en Europe réelle. La Pologne professe l'ambition d'être « le Qatar de l’Europe centrale », la Bulgarie refuse l'exploitation mais le débat n'est pas tranché en France.

II. La refonte du code Minier toujours posée après le rapport Gossement.

La loi Jacob n'offre pas de cadre juridique solide. Mais elle ne garantit pas non plus la transparence dans les procédures d’attribution des permis de recherche, la population des territoires concernés n’étant ni consultée, ni associée.

Affirmant vouloir remédier à cette situation, le gouvernement s’était engagé à présenter au Parlement un projet de loi de ratification de l’ordonnance portant codification de la partie législative du code minier. Ce texte devait instaurer une procédure de consultation du public préalablement à la délivrance d’un permis exclusif de recherche ainsi que sur les demandes de prolongations desdits permis. Il instaurait la même procédure sur les demandes de prolongations de concession.

Ne liant pas la parole aux actes, ce projet de loi - déposé le 11 avril 2011 - sur le bureau de l’Assemblée nationale - n’a toujours pas été inscrit à l’ordre du jour, pour des raisons « d’encombrement ». Nous en concluons que le gouvernement se satisfait de la seule loi Jacob et ne compte pas favoriser l’exercice démocratique en la matière. Pourtant, Le rapport remis à la ministre de l’Écologie le 12 octobre dernier vise à articuler le droit minier et le droit de l’environnement. Il préconise une réforme de l’État lui-même, tant dans son organisation administrative que dans la répartition des compétences avec les collectivités territoriales. Deux des quarante propositions du rapport proposent ainsi la création de « commissions départementales des mines chargées de se saisir des projets en amont et d’associer le public dès l’instruction de la demande de permis de recherche » et d’un « Haut Conseil des ressources minières dans le but d’instaurer un dialogue à cinq : État, collectivités locales, syndicats, ONG et entreprises ». Un appel au dialogue qui ne semble pas soulever l'enthousiasme, ni du côté du gouvernement, ni du côté des industriels du secteur.

III. Il semble en effet que les partisans de l'exploration reprennent l'offensive.

Un récent colloque organisé à Paris par le Club Énergie et Développement, consacré au  « bouquet énergétique dans tous ses états », a retenu notre attention, et particulièrement une table ronde autour des hydrocarbures non-conventionnels  intitulée « L’interdiction française : comment en sortir ? ». On ne peut pas être plus explicite.

J’évoquais plus haut le recours du groupe Total et son engagement, comme tous les autres, à ne pas recourir à la fracturation hydraulique. Dans un entretien diffusé le 28 janvier 2012 par France Inter, son PDG a déclaré que « le code de conduite » de Total ne lui interdisait pas de recourir à la fracturation. Pis, lors d’un petit déjeuner du groupe énergie du sénat, il a affirmé que la ministre de l’écologie « n’avait pas le monopole de l’interprétation de la loi », indiquant que le rapport du Conseil général de l’industrie, de l'Énergie et des technologies donnerait raison à total. Cela ne ressemble pas à un signe de soumission à une loi claire et offrant la sécurité juridique.

Enfin l’UFIP, au cours d'une conférence de presse tenue le 1er février dernier, a appelé la France « à mettre en valeur les ressources en hydrocarbure sur son territoire pour favoriser la réduction de sa dépendance en matière d’énergie » en passant par l’ouverture d’un débat public « constructif et rationnel » sur l’exploitation des gaz de schiste, libéré de « toute considération idéologique ». On appréciera la place de l'idéologie dans ce débat. L’UFIP poursuit en demandant la mise en place rapide de la commission de suivi prévue par la loi Jacob afin que « citoyens et élus soient mieux impliqués dans les consultations sur les projets pétroliers ». Là, la ligne est franchie.

Ce que nous avions prédit se réalise, à la mobilisation citoyenne répond maintenant celle des intérêts privés. Le secteur pétrolier privé n’a pas désarmé et prépare l’après présidentielles. Il s’est engagé dans une stratégie qui allie bataille judiciaire et attente de jours meilleurs. Cette stratégie est une preuve manifeste de la faiblesse de la loi Jacob.

A cela s’ajoute l’attentisme de la Commission européenne à modifier la réglementation. Elle se satisfait des failles dans les règles en vigueur au sein des états, notamment de l’absence d’évaluations obligatoires de l’impact environnemental pour les activités d’exploration et de la rareté des consultations publiques.

Toutes ces raisons justifient donc que le Sénat connaisse la position du Gouvernement à l’égard de l’ensemble des permis qui n’ont pas été abrogés ou qui font l’objet d’une demande de prolongation ainsi que les raisons qui l’on conduit à ne pas revenir devant le Parlement comme il s’y était engagé pour réformer le Code Minier.

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