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Association Territoire d'avenir Ourcq-Marne-Multien
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22 août 2012

Gaz de schiste : le lobby s’active en sous-sol

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Analyse En France, malgré un moratoire mis en place il y a un an, Total et les industriels travaillent en coulisses à le remettre en cause.

Par LAURE NOUALHAT

Après le pétrole au large de la Guyane, les gaz de schiste de la métropole ? «Le débat n’est pas tranché.» Sur RTL, le Premier ministre a fracturé hier les certitudes des opposants aux gaz de schiste, pour lesquels le débat concernant leur exploitation était plié depuis la mise en place d’un moratoire, il y a un an. «Le 14 septembre va s’ouvrir une conférence environnementale et […] il faut qu’on mette sur la table les différentes solutions qui pourraient exister et [établir s’il faut ou non] les utiliser ?»a poursuivi Jean-Marc Ayrault. Ce rendez-vous peut être pris, la loi est claire : l’exploitation de ces ressources par la très polluante technique de fracturation hydraulique (voir ci-contre),la seule connue à ce jour, est interdite en France.

«Si, demain, on trouve une technique plus propre, je suis persuadé que le gouvernement français autorisera l’exploitation de ces gaz non-conventionnels en France»,assure Jean-François Julliard, directeur de Greenpeace. Ce dont se défend vertement la ministre de l’Ecologie, Delphine Batho. «On peut bien dire qu’on ouvre le débat si on a une technique plus propre, mais comme il n’en existe pas, tout cela est théorique. Aujourd’hui, les questions énergétiques se posent dans des conditions radicalement nouvelles et d’une façon dont elles ne se sont jamais posées à l’humanité, dans un contexte de rareté et de réchauffement climatique.»

Cas d’école. Pourtant, un débat non tranché, c’est un débat où chacun continue de fourbir ses arguments. C’est bien ce que font les industriels qui, depuis un an, bataillent pour récupérer ce qu’ils ont perdu : le droit d’exploiter les richesses fossiles du sous-sol français. Depuis des mois, l’offensive est diffuse, silencieuse, discrète. En un mot, classique. Elle s’est soldée, en juillet, par un voyage de presse où Total a convié des journalistes sur un terrain de choix - les Etats-Unis - où l’entreprise exploite plusieurs gisements à Barnett Shale, dans le Texas. Depuis, émissions, papiers et éditos conciliants envers ces ressources instillent l’idée que l’interdiction de leur exploitation, en France, n’est peut-être pas pertinente. «Ce n’est pas du lobbying,se défend-on chez Total, nous cherchons simplement à faire valoir notre point de vue.»

En France, après le moratoire, le pétrolier a déposé un recours contre l’abrogation de son permis d’exploration à Montélimar. «En tant qu’industriels, nous voulons connaître le potentiel de gaz prisonnier du sous-sol français. A nous de convaincre ensuite qu’on peut l’exploiter le plus proprement possible. Mais surtout, il faut réunir un maximum d’éléments pour avoir un débat équilibré.» Pour les industriels, ne pas exploiter ces gaz - ou le pétrole guyanais - serait une aberration «au nom du réalisme économique, du déficit de la balance commerciale française, dû en partie aux prix de l’énergie, ou de notre indépendance énergétique», selon un cadre du secteur.

Anecdote savoureuse, la contre-offensive progaz de schiste est même devenue un cas d’école, puisque des étudiants en master d’intelligence économique ont planché sur une campagne, fictivement commanditée par Total, visant à démonter les arguments des anti. Leur document conseille de viser «politiques, médias, scientifiques et populations», de créer une commission «scientifique indépendante», d’inviter les médias sur place, voire de recruter un ambassadeur qui soit à la fois «scientifique et populaire», avant de suggérer le nom de l’ex-animateur de télé Jérôme Bonaldi. Total dément catégoriquement - et pour la seconde fois en un an - avoir commandé une telle étude, laquelle circule en boucle sur le Net.

Code minier. Le groupe n’a peut-être pas besoin de ce genre de documents pour faire valoir ses arguments. Depuis le mois de juin, et l’éviction de Nicole Bricq du ministère de l’Ecologie pour avoir menacé de suspendre des forages exploratoires au large de la Guyane, on sait qu’il existe des points de vue très divergents sur le dossier énergie au sein du gouvernement. Début juillet, le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, avait souhaité «regarder» le dossier, dans le cadre de la refonte du code minier, avec la ministre de l’Ecologie. «Il est évident qu’il reste une gauche ultra-productiviste au sein de ce gouvernement, s’exclame l’eurodéputé José Bové. Mais, même s’ils veulent aller chercher les dernières gouttes de pétrole ou de gaz, on ne laissera pas faire !» Il réclame qu’en septembre Ayrault «aille au bout de sa logique» et suspende toutes les autorisations d’exploration en cours, notamment celle de Doue, en Seine-et-Marne, où la société Hess Oil prévoit un forage de recherche.

«Culturellement, les gens actuellement au pouvoir, sans être propollution, ne sont pas tous favorables à un moratoire sur les gaz de schiste»,explique Arnaud Gossement, avocat, spécialiste du droit de l’environnement. Ce moratoire existe surtout grâce à la pression des citoyens et des élus locaux, organisés partout en collectifs. Sur ce dossier, hauts fonctionnaires et industriels ont clairement sous-estimé la question de l’acceptabilité sociale de l’extraction de ces ressources. «Ils ont été surpris face à la virulence de la réaction des gens,confirme Gossement. Ils estiment que les craintes soulevées sont largement injustifiées.» La prise en compte du public, de ses craintes et de ses positions, figurera peut-être au menu de la refonte du code minier, prévue d’ici à la fin de l’année et à laquelle s’était attelée Nicole Bricq.

Reste que cette refonte, comme le débat sur les énergies, ne peut plus occulter les questions climatiques. «La question posée est celle de la recherche d’un vrai progrès, estime Delphine Batho. Il faut une quatrième révolution industrielle. Trouver de nouvelles sources d’énergie et, en même temps, sauver l’avenir de l’humanité».

 

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